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Le pari (très) dangereux de Mélenchon

La décision de Jean Luc Mélenchon d’aller sur le ring médiatique contre un polémiste multi-condamné d’extrême droite soulève une question qui hante la gauche depuis longtemps : faut-il aller débattre contre le camp fasciste ?

Je sais que pour beaucoup la réponse sera aisée : « Non » car il est logique de penser qu’il n’y a aucun intérêt à essayer de déstabiliser un adversaire qui ne respectera aucune règle. On se souviendra d’ailleurs de l’enfer qu’a été le débat Biden / Trump en 2020.

Infernale, légitime et éternelle question

Alors pourquoi Mélenchon s’est -il embarqué dans cette galère à relancer la question infernale, légitime et éternelle sur la confrontation directe avec l’extrême droite ? On y reviendra mais avant cela, détaillons un peu le problème.

La question est infernale car toutes les réponses qu’on pourra y apporter ont leur contre-réponse toute faite. Y aller, c’est cautionner. Ne pas y aller, c’est laisser agir. Mais la question est tellement ancienne que ces mêmes contre-réponses ont leurs contre-réponses : Y aller, c’est déployer une opposition de combat et les ranger ainsi dans les ennemis et non les adversaires. Ne pas y aller, c’est montrer leur solitude par le fait et les exclure ainsi du champ de l’acceptable.

Et pour finir de plonger dans l’enfer, vous êtes à la fois confronté à une question à laquelle vous ne pouvez pas ne pas répondre (ne pas répondre = ne pas y aller) et qui peu importe la réponse apportée peut contribuer à agrandir la fenêtre d’Overton de l’ennemi et divisera votre camp.

La question est légitime car le sujet est primordial. On ne se pose pas cette question lorsque les fachos sont quantité négligeable mais bel et bien lorsqu’ils possèdent la force d’influencer voire de remporter le débat public. A partir de là, la stratégie à adopter est d’une importance centrale et doit être débattue. Mais dans le même temps, ce débat ne peut durer éternellement car on en arriverait alors à une non réponse par défaut.

Enfin la question est éternelle parce que, et c’est bien triste, l’on a pas encore trouver une solution pour faire disparaître le fascisme de cette planète.

A partir de là, comment expliquer la décision de Mélenchon de rentrer dans ce sac de nœuds ?

Prêt à tout.

Pour commencer, difficile de ne pas voir à quel point cette décision résulte d’un climat médiatique actuel détestable avec une presse naïve et incapable de voir le danger Zemmour ou qui a cyniquement et/ou par adhésion idéologique décidé d’en profiter et de lui donner des ailes. La nullité médiatique ambiante ne suffit toutefois pas à expliquer ce qui revient à une certaine défaite voire une reddition du camp Mélenchon, candidat qui se voit contraint de demander un « débat » à un non-candidat du camp ennemi. L’annonce du « débat » a lieu qui plus est après une campagne médiatique de LFI sur des thématiques sociales comme le blocage des prix ou la malbouffe qui ne semblent donc pas prendre suffisamment.

Bien entendu, ne soyons pas naïfs à notre tour, il est aussi possible d’y voir l’optimisme cynique d’une campagne qui souhaite utiliser ce « débat » comme un moyen de faire parler d’elle, de produire des clips pour les réseaux sociaux, de faire peur pour rassembler derrière elle, d’éloigner la fumeuse phrase « les extrêmes se rejoignent » ou tout simplement de gratter du temps médiatique à la primaire écolo et quelques voix hésitantes ou égarées. Mais même si les raisons primordiales se trouvent là , n’est ce pas là aussi une certaine forme de défaite éthique ?

Certes, les plus généreux pourront dire que Mélenchon ne fait que s’adresser à une figure connue de son électora et qu’en faisant cela il ne fait que jouer avec les règles de l’élection à laquelle il se présente et qu’il a, lui, réellement envie de gagner. Cela s’entend mais cela prouve surtout une nouvelle fois la nécessité d’en finir avec cette élection aux règles toxiques et dont ironiquement la primaire écolo nous a apporté une illustration supplémentaire avec ses candidats éliminés pour quelques milliers de voix.

Reste que si Mélenchon est prêt à tout pour gagner, son camp et surtout ses électeurs sont-ils prêts à accepter ce pari ? Rien n’est moins sûr. Même si j’ai le sentiment qu’il dispose d’un certain seuil de tolérance acquis par les années et de part sa position temporaire de leader dans les sondages, LFI joue là avec le feu et prend le risque d’apparaître désespéré et/ou désespérant.

Au final, Mélenchon a surtout beaucoup à perdre et bien peu à gagner. Il aura besoin d’un miracle pour sortir de l’exercice par le haut et de tout son talent pour éviter toutes les embûches. Pire, Mélenchon va se retrouver face à un ennemi qui n’a aucun intérêt ou habitude de jouer selon les règles et qui ne sera pas lui contraint par un statut de candidat. Enfin, en cas de mauvaise performance ou de la moindre connivence, c’est les idées fascistes qui seront propulsées et son statut même de candidat qui sera en question.

C’est peu dire que le pari est dangereux.

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